Noir de Polars

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fondu de polars et de romans policiers classiques sans débauche d'hémoglobine.

L'Ombre chinoise

Le Livre de poche

Conseillé par
8 février 2012

Le Marais, inquiétant à souhait

Toute la fange du quartier du Marais est ici passée au crible. Un quartier que Simenon connait bien, puisqu’il a lui-même habité place des Vosges. Dans les années cinquante, la place n’était pas le refuge ultra-chic qu’elle est devenue depuis, abritant anciens ministres et nouveaux promoteurs. C’était alors un véritable exemple de mixité sociale, avec ses riches aux étages nobles, ses pauvres sous les toits et ses petits employés coincés entre les deux, et quand j’écris « coincés », le participe passé est à prendre dans toute l’acception du terme… Et puis ses concierges, si importantes dans le petit monde de Maigret. L’immeuble parisien du Marais, c’est l’humanité parigote en réduction.

Vous y trouverez un patron sympa, un qui a réussi dans les affaires mais qu’on assassine dès le début, une jeune demi-pute attendrissante (Simenon aime ces filles courageuses du cul, ça se sent), des bourgeois insensibles à tout ce qui ne les concerne pas directement, un fils d’employé dégouté par ses parents, un lâche de chez lâcheté et une ignoble bonne femme, une de celles qui vous épouvantent, la mocheté que vous vous bénissez de ne pas avoir rencontrée, car elle est à la fois bilieuse, haineuse, dictatoriale, tricheuse, et, malheureusement, intelligente avec tout ça.

L’atmosphère ici se mâche, c’est mon Paris, celui des brumes hivernales, des chiches lumières de rues, des rancœurs recuites mais aussi de l’attendrissement merveilleux éprouvé à la découverte d’un cœur encore pur. Par malheur, il n’y en a qu’un seul.

Un des plus immenses Maigret jamais écrits.

Maigret à Vichy

Le Livre de poche

Conseillé par
8 février 2012

Envie de vomir...

Un des Maigret que je préfère, pour deux raisons :

- D’abord, il se passe à Vichy, ville que j’adore parce que je n’y vais pas souvent. Si le Vichy ville n’a strictement aucun intérêt, le Vichy thermal a un parfum inimitable, spécialement en basse saison (c’est-à-dire presque toute l’année). Parfum de belle ville morte.

- Ensuite, parce que c’est sans aucun doute l’une des enquêtes qui dévoile le plus l’ignominie possible de l’être humain poussée à son paroxysme.

Maigret s’y rend à la belle saison, en cure, et découvre donc un Vichy différent de celui que je connais le mieux. Il remarque d’abord une femme qui lui semble mystérieuse, hautaine, qui le fascine, écoutant comme lui les aubades données par l’harmonie municipale alignée dans le kiosque à musique. Puis il ne la voit plus et ça le gène. Enfin, il apprend sa mort et il cherche.

Et lorsqu’on découvre enfin la vérité, elle est tout simplement épouvantable. Maigret, comme nous, est moralement du côté du tueur : il aurait aussi tué dans ce cas là, il aurait tué ce monstre.

Chez Simenon, les vrais monstres sont, pardon Mesdames, des femmes. Les vrais, ceux qui calculent froidement, qui prennent leur temps, qui tissent leur toile patiemment, qui n’ont aucune pitié, aucun sentiment, qui ne vivent que par une nécessité égoïste et pitoyable, assurer leurs vieux jours.

Voilà un Maigret qui prend à la gorge, qui donne envie de vomir. C’est un peu une enquête mais avant tout une lente marche vers la découve

Conseillé par
8 février 2012

Chourer l'artiche, ça va, mais se l'garder, c'est duraille

Que la vie est douce quand on a fait un beau casse, qu’on a chouré cinquante briques à des caves qu’en avaient forcément pas l’emploi et qu’on a plus qu’à se la couler douce ! En faisant un peu attention quand même aux Roycos, parce que les lardus, ça n’est jamais loin.

Ah la belle vie, la chouette existence ! Une Vedette huit cylindres, une carrée tout ce qu’il y a de respectable à Neuilly, juste en face du quart histoire de dissuader les malfaisants qui traînent, même si le quartier est tranquille, des costards chics sans faux plis, et des gisquettes à la pelle, en veux-tu en voilà, qu’on emmène croquer à La Cascade, parce que « le bois », on fait pas plus chic, elles préfèrent ça aux courtines. De temps à autres, un crouton chez la mère Bouche, une vieille respectable chez qui la bouffe est au poil.

Mon blaze, c’est Max, Max le menteur va savoir pourquoi, moi qui suis tout ce qu’il y a de plus franc. Moi, je suis pas un givré, je cause pas. Ni à la maison poulaga, ni surtout aux gonzesses. Pas fou. Je tombe jamais amoureux, ou alors une petite heure, à la rigueur deux jours. Bref, si j’ai quelques défauts, je suis un mec normal, enfin normal pour ceux du mitan.

J’avais un pote, le môme Riton. Un mec bien, Riton, on a d’ailleurs fait notre dernier casse ensemble, c’est tout dire. Eh ben, si vous voulez tout savoir, pas si bien que ça en fait, parce qu’il a cafté à sa môme. Une sournoise, celle-là, une tordue, Josy qu’elle s’appelle. Elle cause celle-là, elle cause beaucoup trop, et elle a des fréquentations pas avouables, Lola par exemple. Bref, nos cinquante briques à Riton et à moi, notre grisbi enfouraillé à la sueur de nos pognes, y’a des apaches qui se sont mis dans le crâne de nous en dépouiller.

De sales apaches, commandés par Angelo. Ils m’ont salement amoché Riton, tellement à vrai dire qu’il vient d’en caner. A la piquouse qu’ils me l’ont seriné, mon pote. Vous trouvez ça régulier, vous ? Moi pas. Et avec mes potes Pierrot et Marco, on va leur servir l’addition. Croyez-moi, une belle note, salée à la bastos de P38.

Avis

Excellentissime polar, dont l’action se situe presque entièrement dans le triangle place Clichy, Notre-Dame de Lorette, place Pigalle. Du vrai polar, du dur, du pur, avec des truands comme on les aime. Sûr que ça n’a rien à voir avec du Millenium. Deux avertissements sans frais néanmoins : primo, la gent féminine n’appréciera peut-être pas d’être peinte à la manière de Simonin ; deuxio, le bouquin a été écrit alors que des termes comme « bicot », « bique » etc.… étaient encore moralement autorisés, ce qui n’est plus le cas et en choquera plusieurs.

Conseillé par
8 février 2012

Chef d'oeuvre linguistique

Maître ès langue verte ou noire, moi je dis chacun sa couleur. Ce qu’est sûr, mais alors certain de chez évident, c’est qu’Albert Simonin a le génie de la langue des faubourgs, de celle qu’on jactait de naissance sans s’emmerder à poser son cul sur un banc crasseux d’école publique.

Après avoir tartiné quelques souvenirs sous forme de roman, Albert a eu une étincelle cervelette, ni idiote ni loufdingue : plutôt que d’aller essayer de traduire des foutus manuels de savoir-trinquer écrits généralement par des pincées des louloutes, pourquoi pas se fendre d’un vrai viatique bienséant au pays du mitan ? Voilà une idée qu’elle était bonne, et si les pégriots y trouveront évidemment leur compte, le cave pourra aussi l’apprendre par cœur, histoire que cézigue le soit un peu moins, caviot.

Ce bouquin ne peut être ni critiqué ni apprécié, le génie ne se prêtant pas à ce genre d’entourlouze. Vaut mieux que je me tire et que je laisse la place à l’Albert…

La toilette : « Vous évoquer au paddock nous amène, raide comme balle, à vous saisir au petit lever, et à vous entretenir en priorité du pyjama, une des pièces maîtresses de votre garde-robe. »

Le blaze : « De même qu’il n’est pas de fumée sans feu, il n’est pas de blaze sans origine, gratuitement attribué, et qui ne reflète le truand qui le porte, sa carrière, ses mérites, ses tares. »

La voiture : « descendre au Bois une ou deux frangines qui vont en votre honneur y prendre leur poste d’affût: effectuer un aller-retour au champ de courses, sur lequel un outsider que vous suivez depuis ses débuts doit disputer l’épreuve de sa carrière ; draguer une dizaine de bornes dans les quartiers propices, à l’heure où les bureaux libèrent la dactylo avide de s’émanciper ; passer relever les compteurs auprès de vos gagneuses, nous ne voyons guère, mis à part les petits parcours de sirop à tapis, en quelle autre circonstance vous allez avoir l’occasion de faire rouler cette tire. Dès lors, qu’avez-vous donc à foutre qu’elle consomme comme un char Sherman ? »

Les nanas : « Vous l’aurez levée à la rencontre, dans un guinche, voire du siège de votre Américaine, à la drague. Une attaque nerveuse de l’asphalte par le paturon cambré, un galbe de jambe émouvant, un roulis de hanche généreux, peut-être simplement un port de tête décidé, vous auront alerté, fait subodorer la qualité à l’état pur. Vite fait, bien fait, voilà la pouliche emballée, à disposition de usted. Une page de son destin vient de se tourner. La joie du bon artisan devant le fin labeur à exécuter vous anime. Déjà la délicate option sollicite votre esprit : dressage en férocité ou dressage en persuasion ?...

C’est tout de la même eau, et pendant 271 pages c’est l’arc en ciel improbable d’une littérature souvent grise ou rouge un peu trop sang. Quand z’aurez terminé c’te book, vous le relirez aussi sec, foi de caviot.

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31 décembre 2011

Humour féroce gâché par un fond psychotique

Résumé

Un professeur d’histoire est nommé dans une petite ville de province. Très vite, il est confronté à un ou plusieurs mystérieux corbeaux, qui signent « Clamavi ». Le prof enquête pour découvrir le, la, ou les coupables, et découvre que loin d’être la seule victime de cette organisation, tous les notables sont pris dans la nasse. Corbeaux non dénués d’humour d’ailleurs, puisque la punition infligée est adaptée à chaque cas : le prêtre pédophile est ainsi condamné à élever un petit cochon rose dans son salon, deux lesbiennes à élever des belettes, le député démocrate-chrétien qui entretient une maîtresse à peindre en rose les volets de sa chambre, le pharmacien-violeur à porter des mitaines noires, et ainsi de suite…

L’élucubration du bertrand

»Clamavi » signifie « j’ai crié » en latin (eh oui, huit ans de latin qu’on m’a obligé à faire !) et fait référence à un poème de Baudelaire « De profundis clamavi ». Le ton du roman est vite donné, ce polar là est tout ce qu’il y a de plus littéraire. L’écriture en est très travaillée et plus d’une fois j’ai eu l’impression d’être immergé dans une conversation de salon de début vingtième siècle, dans laquelle chacun s’ingénie à parler bien, à construire des phrases léchées, policées, correctes, imaginatives.
Le grand mérite de ce court roman policier est son humour, cette passe d’armes à fleurets mouchetés entre l’auteur et la société qu’il dépeint. Doté d’un humour jamais vulgaire mais particulièrement féroce, Monteilhet étripe ses contemporains, de préférence ceux bénéficiant d’une situation sociale bien assise. Ceci donne des passages merveilleux, dont je ne résiste pas à vous offrir, petits veinards, les extraits suivants :
- Tais-toi, tu parles comme un socialiste ! Est-ce qu’on fait des bilans avec de la chair humaine ?
- Veuillez noter que le professeur d’histoire ne peut spéculer sur les leçons particulières qui font les choux gras des professeurs de latin ou de mathématiques (…) Le professeur n’a pas la chance des autres pauvres, qui travaillent trop longtemps pour s’apercevoir à quel point l’argent leur fait défaut.
- Je suis en effet catholique, un catholique déplorable. J’ai une foi définitive, mais je n’en fais à peu près rien : une foi de collectionneur en quelque sorte.
Malheureusement, les premiers (grands) sourires passés, il importe de lire un livre et de suivre l’histoire, et là l’entrain primesautier éprouvé tout d’abord tourne vite à la catastrophe.
L’intrigue, tout d’abord, est fort mince, alambiquée, compliquée au mauvais sens du terme et de plus pas crédible : lorsque la lecture est terminée (et le dernier tiers semble bien longuet à achever), on ressort avec un soupir de soulagement, « ouf », et une question « tout ça pour ça ? ». Bref on n’en sort ni émerveillé ni heureux.
Les sous-entendus, ensuite, sont gênants : tout tourne autour des perversions sexuelles. On aime ou pas… Je ne dis pas que je ne peux pas aimer d’ailleurs, mais le style employé se marie trop mal à cette ambiance : on se croit plongé dans la confession des fantasmes érotiques d’un prêtre vous débitant des horreurs, tout cela avec la componction et la retenue qui conviennent. Le fond de ce livre est véritablement très malsain : perversions sexuelles et religion en constituent le fond boueux.
Des traits d’esprit excellents, complètement gâchés par une construction bâclée de l’intrigue et un fond carrément psychotique. J’ai vraiment eu la sensation d’écouter un pervers très bien éduqué : comme le genre existe certainement, on peut le lire à titre d’édification.
Conclusion : beehhh !